Wednesday, November 22, 2006

PREVENTION DE LA DELINQUANCE

ASSEMBLEE NATIONALE
2ème séance du mercredi 22 novembre 2006
Séance de 21 heures 30
28ème jour de séance, 61ème séance
SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007-->
Présidence de M. Jean-Luc WarsmannVice-Président
prévention de la délinquance (suite)

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance.

Discussion générale
Intervention de Béatrice Vernaudon puis réponse du ministre
…/…
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon.

Mme Béatrice Vernaudon. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, en raison de la spécificité législative qui régit la Polynésie française, pays d'outre-mer autonome au sein de la République, ne lui seront étendus que les articles modifiant le code de procédure pénale, le code pénal, le code de l’éducation et la loi pour la sécurité intérieure de 2003 qui créent le service volontaire citoyen de la police nationale.

Seront également étendues à la Polynésie les modifications de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante qui permettront de diversifier les sanctions, de les adapter à l'âge des mineurs et de lutter contre la récidive des mineurs par des mesures plus rapides et effectives.

Enfin, l'article 49 modifie le code des communes applicable en Polynésie afin que, comme partout ailleurs dans la République, le maire anime sur le territoire de sa commune la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en œuvre.

Dans les communes de plus de 10 000 habitants, soit 8 des 48 communes de Polynésie, essentiellement les communes de l'agglomération de Papeete, le maire présidera le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance dont les conditions de mise en œuvre seront fixées par décret. De même, les maires polynésiens pourront dorénavant procéder verbalement au rappel à l'ordre à l'endroit des auteurs de faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre y compris lorsqu'il s'agit de mineurs.

En revanche les dispositions de ce texte relatives au code de la santé publique, au code de l'action sociale et des familles, au code rural, ou au code de l'urbanisme, ne nous sont pas étendues puisqu’il s’agit de compétences de la collectivité.

L'extension de ces textes va intervenir en Polynésie dans un contexte en pleine évolution. Je souhaite ardemment qu'elle soit l'occasion de susciter un renouvellement du partenariat nécessaire entre les services de l'État, responsables de la sécurité et de la justice, les services du pays compétents pour l'éducation, la jeunesse, l'action sociale et sanitaire et, enfin, les communes qui, compte tenu de l'étendue de nos collectivités sur une surface aussi grande que l'Europe sont souvent les seules autorités présentes au milieu des populations.

Mme Béatrice Vernaudon. Ce partenariat est d'autant plus nécessaire que seule une approche globale, concertée, coordonnée alliant prévention et répression tant à échelon local que territorial permettra, sur la durée, d'inverser l'augmentation du phénomène de la délinquance en Polynésie. Entre 2004 et 2005, le nombre de mineurs mis en cause dans les procédures pénales a augmenté de 14, 67 %. Les mineurs représentent 19 % du total des personnes mises en cause.

En Polynésie, la délinquance trouve ses origines dans une consommation importante d'alcool et de stupéfiants, principalement de cannabis, objet d'une véritable économie parallèle – le fameux paka’lolo. L'inadaptation du cursus scolaire conduit à un taux important d'échecs scolaires. Seul un tiers d'une classe d'âge parvient au baccalauréat, contre deux tiers en métropole. L'urbanisation rapide de l'agglomération de Papeete pour les besoins des essais nucléaires a créé de véritables favelas où règnent délinquance et insécurité.

Certains quartiers sont de véritables foyers de délinquance où les jeunes et les adultes vivent hors la loi, contraignant certaines familles à retirer ponctuellement de l'école, un des enfants pour garder la maison lorsque les deux parents s'absentent, afin de ne pas être dépouillés du peu que la famille possède.

Enfin, la violence intrafamiliale est un phénomène plus important qu'en métropole. Destructrice des destins de la génération montante, elle trouve son origine dans l'insuffisance vertigineuse de logements sociaux, dans le chômage pour absence de qualification, dans le bouleversement des modèles familiaux traditionnels et dans l'envahissement de la société de consommation et des pièges du crédit.

Le suivi des mineurs est redevenu compétence de l'État en 2004. Un service de protection judiciaire de la jeunesse a été créé en 2005 mais il n'a commencé à fonctionner qu'en mars 2006 après le recrutement de travailleurs sociaux polynésiens. Malheureusement, l'efficacité de ce service qui doit assurer le suivi de 300 mineurs, est limitée par la faiblesse de son budget de fonctionnement. On a créé le service mais on ne lui a pas donné les moyens de fonctionner.

Les travailleurs sociaux ne peuvent se rendre dans les autres îles et les juges des enfants ne peuvent envisager de placement de rupture, seule alternative pour éviter, à terme, une incarcération.

M. Jean-Pierre Blazy. Cela prouve que le problème vient des moyens et pas de la loi !

Mme Béatrice Vernaudon. Or nous fondions beaucoup d'espoir sur la mise en place du service de la PJJ pour prendre en charge notre jeunesse délinquante dans de meilleures conditions. Je souhaitais donc appeler ce soir l’attention du garde des sceaux sur cette situation …afin qu’il donne à ce service les moyens de remplir sa mission.

L'agglomération de Papeete a fait des progrès grâce au contrat de ville qui a permis d'expérimenter des actions de prévention. Mais il arrive à échéance le 31 décembre 2006. Nous espérons qu'il sera renouvelé en intégrant deux nouvelles communes et en étendant les nouveaux programmes proposés par l'Agence nationale de rénovation urbaine et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances dont les actions n’ont pas été étendues dans nos collectivités.

Par ailleurs, un contrat local de sécurité est en cours de définition pour l'agglomération de Papeete.

Pour terminer, je ne peux passer sous silence la question qui me préoccupe le plus : le désengagement de l'État en matière de logement en Polynésie. Le contrat de développement qui finançait la construction du logement social n'a pas été renouvelé.

Même les programmes de résorption de l'habitat insalubre de l'agglomération sont arrêtés. Aujourd'hui, nous devrions nous tourner vers le régime de défiscalisation, mais ce dispositif ne permet pas de sortir des loyers en adéquation avec les capacités financières des familles modestes.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous avez raison, il ne s’agit pas de logement social !

Mme Béatrice Vernaudon. Je le dis ici comme je l'ai dit au ministre de l'outre-mer lors de l'examen du budget, cette situation n'est pas acceptable. La loi de cohésion sociale qui a permis un gros effort dans ce secteur, en métropole comme dans les DOM, n'a pas été étendue aux collectivités du Pacifique.

Or chacun sait que le logement est la pierre d'angle de toute politique sociale. Sortir de l'insalubrité, de la promiscuité, c'est permettre l'amélioration des relations familiales, rendre possible la réussite scolaire des enfants et prévenir la délinquance.

Mme Béatrice Vernaudon. En conclusion, cette loi va étendre des dispositions adaptées à la situation de la métropole mais pas à la Polynésie. En tout cas, sans les moyens nécessaires, nous ne verrons aucun progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Réponse M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire.

… /… Je voudrais maintenant m’adresser aux élus de l’outre-mer, dont les représentants ont rappelé que les maires, sur tout le territoire de la République, sont confrontés aux mêmes enjeux, et ont partout les mêmes besoins car ils sont toujours en première ligne. Ils peuvent être confrontés à des difficultés spécifiques, comme les problèmes liés à l’alcool et aux stupéfiants, comme l’ont indiqué Mme Louis-Carabin et Mme Vernaudon.

…/… le Gouvernement lutte pour que nos compatriotes de l’outre-mer puissent vivre en paix parce que la sécurité est la première des libertés, à Paris comme en Martinique, en Guyane et en Polynésie française.